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  • : Le blog de Arkhangelsk
  • : Journal de réflexions d'actualité et de notes poétiques sur le monde tel que je le vois.
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Sur Babelio des éditeurs vous offrent un livre à critiquer.

Les Obscures de Chantal Chawaf, publié aux Editions des Femmes, m'a été confié.
Je ne connais ni l'auteur ni l'oeuvre déjà existante.

Je ne cherche pas à esquiver cette tâche critique que j'assume pour la première fois, mais je dois avouer que l'épreuve n'est pas a priori facile : échapper, justement, aux a priori, clichés, préjugés que peut porter ma position d'homme jugeant l'oeuvre d'une femme publiée aux Editions des Femmes.

Je crains malheureusement de ne pouvoir échapper au clichéde la femme proche du corps, de la sensation, fils intimes qu'elle, la femme aussi bien que Chantal Chawaf, déroule du labyrinthe de ses entrailles pour nous raconter l'histoire, somme toute, ténue d'une épouse délaissée par son mari turc dans la banlieue parisienne où la rejoint une belle-fille tcherkesse, à peine plus jeune qu'elle. Proches par lâge, les deux jeunes femmes s'opposent par leur caractère : l'épouse, écrasée par sa soumission, la belle-fille, soulevée par une révolte instinctive venue du fond des âges de ses ancêtres, générations de femmes enlevées pour peupler les harems de La Porte.
La sauvagerie de la révolte qui anime l'adolescente la mène en hôpital psychiatrique. La tendresse de la jeune belle-mère, une fois dépassée sa haine jalouse d'esclave face à l'insoumise, la ramènera au monde et à sa lumière.

Seules, quelques lignes du prologue avaient annoncé cette clarté finale par des images lumineuses alors que ce récit intime, prononcé à la première personne de l'épouse, nous entraîne dans une incandescence sombre.
La voix douloureuse chante tout d'abord sa nuit de noces de jeune vierge à peine sortie de l'enfance comme un viol qui lui ouvre, malgré tout, les portes du plaisir dans la chambre triste d'un hôtel sans étoiles.
L'absence de l'homme, après cette scène originelle où sa présence est débordante et brutale comme l'intrusion d'un cheval de guerre dans un boudoir chinois, son absence, donc, semble bien être la cause du drame qui va submerger les deux jeunes femmes.

Plus que l'histoire, le lecteur est invité à vivre l'expérience qu'en fait cette belle-mère quasi-adolescente et qui rejoint celle de la belle-fille. Un flot de sensations tumultueuses, elles aussi, alimentées d'abord par la présence envahissante des sons et des odeurs d'un lac dont la richesse est menacée par la proximité d'usines polluantes qui jouxtent l'oppressante cité-dortoir. Seules leurs échappées dans les trouées d'une nature qui les rassure leur permettent de survivre.

Je reviens au corps car c'est le souvenir fort que je garde maintenant de cette écriture. Je pense n'être pas machiste mais je crois à la différence des énergies féminine et masculine et que tous les individus en sont porteurs. Mais le corps déterminé dans lequel nous naissons et grandissons détermine une part non négligeable de la façon dont nous faisons l'expérience du monde. Et l'écriture vient du corps, d'un corps de femme ou d'un corps d'homme. Ce livre me semble, à moi homme, un livre de femme dont l'écriture me tente comme une oeuvre exotique que je ne pourrai jamais complètement comprendre mais simplement goûter le mystère.
La plupart des hommes qui pourraient apprendre de ce voyage ne le liront certainement pas, et c'est dommage.


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